[Francophone] Re: Francophone Digest, Vol 39, Issue 26

Sébastien Dinot sebastien.dinot at free.fr
Fri Mar 26 21:35:01 EDT 2010


Bonsoir,

Arnaud Vandecasteele a écrit :
> D'un point de vue communautaire, tout n'est pas rose non plus. Même si
> ma fibre est profondément tournée vers le libre il faut avouer que les
> mouvements d'informations géographiques volontaires manquent encore
> d'un certain "professionnalisme".

Il est exact que les contributions sont de niveau très inégal et que
certains contributeurs ont une approche très (trop) « légère » de la
cartographie. Cependant, une bonne partie d'entre eux (certainement les
plus impliqués et les plus gros producteurs de données) ont le souci de
fournir une contribution de qualité et ne demandent qu'à affûter leur
art. On voit quotidiennement passer sur la liste francophone d'OSM des
demandes d'aide, de conseil ou simplement d'avis sur la meilleure façon
de procéder. Petit à petit, le wiki est alimenté et devient tout à la
fois le manuel, le dictionnaire et le référentiel des bonnes pratiques
d'OSM. En outre, avec l'ancienneté, les pratiques des contributeurs
convergent et les contributions se font plus pointues.

> Autant il est "facile" de juger de la qualité d'un code autant pour de
> la donnée cela est plus subjectif.

Mon cœur de métier étant le développement et, plus précisément,
l'optimisation et la fiabilisation des applications, je peux vous
assurer que l'évaluation de la qualité réelle d'un code - et non de sa
qualité apparente, fournie par des métriques discutables - est un art
difficile et hasardeux. Les évaluations combinées de la méthode, des
outils et d'échantillons me semble être, dans le cas du logiciel comme
dans celui de la donnée, la meilleure stratégie mais, dans les deux cas,
cette stratégie ne préserve nullement de mauvaises surprises locales.
Ceci étant, ma perception est certainement faussée par mes carences en
matière de production et d'évaluation de donnée (je ne suis pas géomètre
ou géographe de formation) et je serais curieux d'avoir l'avis d'une
personne ayant une double compétence étayée par une solide expérience
des deux mondes (le logiciel et la donnée).

> Mais, si nous avons maintenant besoin de cette même donnée pour
> prendre une décision stratégique, pour déployer des secours (même si
> l'exemple d'Haïti prouve le contraire), pour engager des procédures
> juridiques/administratives... j'utiliserais forcément des données
> labélisées car soumises à toute une série de contrôles et dont je suis
> capable (même si la donnée n'est pas parfaite) de prouver la
> tracabilité

En quoi « labelisé » est-il antinomique de « libre » ou de
« communautaire » ?

Je reviens dans le monde du logiciel pour lequel j'ai plus d'exemples
concrets et réels pour illustrer mes propos. Il existe un système
d'exploitation à destination des systèmes industriels embarqués,
nécessitant du temps réel dur et une extrême fiabilité, nommé RTEMS
(http://rtems.com/). RTEMS est un système libre diffusé sous licence GNU
GPL : tout un chacun - autrement dit, surtout des inconnus - peut
contribuer à RTEMS. Ce mode de production est un vrai cauchemar pour
tout organisme de certification de système critique bien né.

Pourtant, RTEMS anime aujourd'hui une belle brochette de satellites
parmi ceux qui tournent au dessus de nos têtes. Comment a-t-on pu
autoriser des inconscients à confier les commandes de bijoux de
technologie qui coûtent de quelques millions à quelques centaines de
millions d'euros à un logiciel libre que tout un chacun peut modifier ?

Simplement parce que des industriels ont compris les qualités et les
atouts de RTEMS et ont décidé de proposer le service que ne pouvaient
fournir les contributeurs de RTEMS éparpillés à travers le monde :
certifier en bonne et due forme une version précise (un « snapshot »)
des sources. C'est cette version qui est utilisée dans les satellites.

Pendant ce temps, RTEMS continue d'évoluer et, le jour où le besoin s'en
fera sentir, ces mêmes industriels pourront certifier une autre version
de RTEMS (dans les faits, ils surveillent l'évolution de RTEMS et
récupèrent au fil de l'eau les modifications qui servent leurs besoins
tout en informant en retour la communauté RTEMS des rares bogues qu'ils
trouvent et corrigent lors des phases de qualification).

Si un logiciel peut être libre, développé par des inconnus et certifié
par un industriel au terme d'un processus strict, répondant à des normes
tout aussi strictes, je pense qu'une donnée peut être libre, créée par
des inconnus et labelisée par un industriel tout aussi exigeant que le
premier.

Sébastien

-- 
Sébastien Dinot, sebastien.dinot at free.fr
http://sebastien.dinot.free.fr/
Ne goûtez pas au logiciel libre, vous ne pourriez plus vous en passer !


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