Re: [Francophone][données libres] Petit point de situation

Hervé HALBOUT hhalbout at hc-sig.fr
Tue Jul 8 18:00:45 EDT 2008


    Bonjour Yves et bonne fin de vacances !

    Je viens faire un peu de conversation sur la donnée cadastrale, car son 
utilisation et surtout sa qualité sont un sujet très sensible au sein des 
collectivités territoriales françaises.

L'idée de digitaliser (c'est le terme exact) de l'information géographique 
par superposition à une autre est une bonne idée. Ce qui, me semble-t-il 
n'en est pas une est de le faire sur du cadastre. Il y a plusieurs raison à 
cela :
        * le cadastre représente le dessin, le plan du domaine privé et 
aucun élément du domaine public. Il est donc nécessaire de travailler "en 
négatif" et de déduire, comme cela a été précisé sur la ML osm-talk-fr, le 
positif qui va être l'élément digitalisé. En clair, pour digitaliser une 
route sur le cadastre, il faut le faire entre les 2 bords délimitant le 
domaine privé. Il est préférable d'être à jeun ce jour là, si l'on veut un 
peu de précision.
        * le cadastre est globalement géométriquement faux. Il peut être 
très précis dans les grandes villes (centimétrique parfois) et complétement 
anarchique en campagne. C'est à dire que le cadastre étant composé de 
planches (sections) qui ont été créées à l'origine pour être utilisées 
séparément sur un support papier, leur numérisation (scan ou digitalisation) 
ne corrige pas les déformations géométriques d'un plan qui n'a pas été prévu 
initialement pour être cartographique. Introduire des cordonnées dans les 
sections cadastrales permet de les positionner géographiquement, mais bien 
souvent lorsque l'on replace ensemble toutes les sections (et les infos 
qu'elles contiennent : parcelles, bati, ...) celles-ci se chevauchent ou 
forment des lacunes, ce qui bien sûr n'est pas possible sur le terrain. La 
superposition à un orthophotoplan montre très vite la limite d'utilisation 
du cadastre. Lorsque l'on voit ce que cela donne pour une commune, je vous 
laisse imaginer le résultat pour une communaté de communes !
    Il faut donc rester prudent quand à l'opportunité de digitaliser de 
l'info sur un fond cadastral (et je ne parle pas de l'aspect juridique qui 
me semble secondaire, vu la qualité actuelle du plan).

    Les collectivités territoriales ont un besoin certain du cadastre, car 
cette échelle leur convient bien pour réaliser leur POS/PLU, par exemple. Le 
problème, c'est que nombre de POS ont été cartographiéé sur du cadastre 
géométriquement faux et la superposition à une ortho le prouve au premier 
coup d'oeil. Mais comme le POS a été approuvé par délibération, il n'est pas 
possible sans nouvelle délibération de corriger ce POS sur une ortho. Il y a 
des jours où on marche sur la tête !
    Mais après tout, comme me disait un stagiaire un jour en formation : 
"moi je superpose mes données métiers à un cadastre faux, donc mes données 
sont géométriquement fausses et tous nos partenaires font de même, donc tout 
le monde a un plan faux mais cohérent par superposition" (tant qu'il n'y a 
pas d'utilisation de photo aérienne, bien sûr). Ce raisonnement m'a semblé 
juste, mais limité.

    La solution est de "corriger" le cadastre, par superposition à un 
orthophoto (pixel à 30-40 cm, par exemple). Cela permet d'effectuer des 
repositionnement géométriques à l'intérieur des communes et entre les 
communes, afin d'obtenir un continuum géographique. J'ai suivi un projet de 
ce type pour le compte du Conseil Général du Calvados (en tant qu'AMO) dans 
les années 2000-2004. Ce projet visait à remettre en continuum l'ensemble du 
cadastre départemental, sans bien sûr avoir des déformations qui auraient pu 
transformer une parcelle carrée en losange. Ce projet (intégralement financé 
par le Conseil Général) a permis de générer un nouveau plan cadastral 
géographiquement correct, avec toutefois un certains nombres d'anomalies 
listées, mais non corrigées, car relevant d'une mise à jour terrain de la 
part des géomètres du cadastre. Le but de la démarche était double :
            * fournir aux services du CG et à l'ensemble de ses partenaires, 
un cadastre géographiquement homogène, unique et mutualisé pour tous ;
            * proposer à la DGI d'utiliser ce nouveau fond cadastral pour y 
effectuer dorénavant ses mises à jour.
Malgré des négociations menées en amont et pendant le projet, malgré la 
preuve que techniquement les résultats étaient bons, voire excellents, la 
DGI a refusé toute labellisation de ce produit, préférant continuer à faire 
ses mises à jour sur un cadastre géographiquement faux, arguant du fait 
qu'il n'était pas possible de "corriger" le plan au-delà des quelques 
limites qu'elle autorisait, car il aurait fallu demander l'avis et l'accord 
de l'ensemble des propriétaires français. Ce dernier argument est 
particulièrement injustifié, car le plan cadastral graphique n'a pas de 
valeur juridique.
Le plan cadastral remis en géométrie par le Conseil Général a été laissé de 
côté au fil du temps, faute de mises à jours adéquates, mais ce plan, qui ne 
peut plus s'appeler cadastre, puisqu'il n'est pas labellisé DGI, reste la 
propiété du CG, qui l'a financé : c'est un produit dérivé.

    Je me suis longtemps posé la question de savoir pourquoi la DGI avait 
refusé un projet de bon sens, qui de plus, ne lui coûtait rien. Je crois 
avoir compris au fil du temps et la réponse est double :
            * la DGI a une utilisation fiscale du cadastre et elle pourrait 
très bien calculer les taxes foncières sans plan cadastral, la cartographie 
n'est donc pas un élément central de son métier ;
            * les collectivités ont toujours imaginé que la DGI était un 
producteur de données géographiques, comme d'autres de leurs partenaires que 
sont la DDE, la DIREN, ... et c'est je crois, une erreur d'interprétation, 
car la DGI ne s'est jamais considérée et positionnée comme producteur de 
données géographiques. On lui a forcé la main. Il y a donc là un malentendu 
historique, une confusion des genres. Ce dernier argument a été développé 
par Stéphane Roche (université Laval) lors de sa venue à Caen en juin 
dernier à l'occasion des Journées Géomatiques de l'Ouest, pendant une table 
ronde ayant pour thème la convergence cadastrale. Cela me semble un 
raisonnement de bon sens.

    Finalement en France, les collectivités ont voulu se servir du cadastre 
pour 2 raisons :
            * c'est un produit culturel local (qui ne connait pas le 
cadastre ?) et historique (merci Napoléon) ;
            * il n'y pas encore d'autres fonds de cartes à grande échelle 
pour l'aménagement territorial communal ou intercommunal, donc faute de 
mieux ...
Mais cette utilisation se fait avec une DGI (Bercy) qui se passerait bien de 
fournir ses données graphiques, dont elle a historiquement la propriété 
intellectuelle, mais qui semble assumer la fourniture de celles-ci comme un 
boulet. Effectivement, travailler avec la DGI sur le sujet d'un cadastre 
cartographique peut parfois relever de l'erreur de casting.

Cependant, ne désespéront pas, la situation évolue et je crois que bientôt, 
la cartographie cadastrale ne sera plus un élément bloquant et conflictuel 
pour les collectivités et les autres usagers. On aura ainsi franchi une 
étape dans l'utilisation des données géographiques publiques, payées avec 
des fonds publics (encore quelques mois, je crois).

    Pour conclure, je dirai que le courrier que Denis se propose d'envoyer à 
la DGI est une idée intéressante, mais probablement vouée à l'échec (si 
réponse il y a), car la DGI n'est pas et ne sera plus maintenant un 
producteur de données géographiques dans le paysage français. Il y a erreur 
sur l'interlocuteur.

    Hervé


P.S. 1 : la BD Parcellaire de l'IGN est une remise en géométrie partielle du 
PCI vecteur ou image de la DGI (partielle, car il n'y a que quelques couches 
d'information et la remise en géométrie n'est pas complète, pour respecter 
certaines préconisations de la DGI). La technologie utilisée semble partir 
de la même base que celle qui a été utilisée initialement dans le Calvados. 
La différence, c'est que le projet du CG du Calvados a permis à différents 
partenaires de bénéficier d'un produit gratuit, alors que la BD Parcellaire 
du Calvados, faite à partir de la même source PCI Vecteur ... est payante 
pour les collectivités et leurs partenaires.

P.S. 2 : je vais me renseigner sur le "produit d'aménagement territorial" 
réalisé par le CG du Calvados (ex cadastre remis en géométrie). Il y a 
peut-être une piste pour le mettre à disposition librement en creative 
commons pour l'ensemble de la communauté, même s'il n'est pas totalement à 
jour. Je ne garanti rien.



----- Original Message ----- 
From: "Yves Jacolin" <yjacolin at free.fr>
To: <francophone at lists.osgeo.org>
Sent: Tuesday, July 08, 2008 7:45 PM
Subject: Re: [Francophone][données libres] Petit point de situation


Le Tuesday 08 July 2008 13:30:29 François Van Der Biest, vous avez écrit :
> Hello,
>
> En cette période estivale, voici quelques liens vers des threads
> intéressants d'un point de vue "questions juridiques autour de la
> réutilisation des données publiques", sur la liste OSM-talk-fr
> (décidément plus active que la nôtre) :
>
>  - Sur la question de la réutilisation de données cadastrales : [1],
> avec les CGU du cadastre en lien [2]
>
>  - sur la question de l'utilisation des données "publiques" (mais à quel
> sens ?) du géoportail [3]. Lien vers la faq juridique en réf [4]
>
> Bonne lecture.
>
> F.
>
>
> [1] http://lists.openstreetmap.org/pipermail/talk-fr/2008-July/003027.html
> [2] 
> http://www.cadastre.gouv.fr/scpc/html/CU_01_ConditionsGenerales_fr.html
> [3] http://lists.openstreetmap.org/pipermail/talk-fr/2008-July/003144.html
> [4] http://www.geoportail.fr/5062614/faq/questions-juridiques.htm
> _______________________________________________
> Francophone mailing list
> Francophone at lists.osgeo.org
> http://lists.osgeo.org/mailman/listinfo/francophone
Bonjour François,

Merci pour ces quelques liens, le projet OSM-fr avance et c'est une 
excellente
chose.

Quelques remarques : Dans la première discussion il y a a priori une
méconaissance de la DGI et de la manière dont les décisions sont prises. Je
pense à l'affirmation "demander à la DGI entrainera un échange entre
différents ministères" (les guillemets sont là pour indiquer que je cite de
mémoire). D'autres part l'état français vend ses bases de données, je peut 
te
l'affirmer ;) Maintenant le coût n'est pas forcément très élevé, surtout 
pour
une société qui va en tirer partie avec des produits dérivés. Pour OSM ce
n'est pas la même chose.

Concernant la deuxième partie (discussion sur le geoportail); bien que l'IGN
soit un sponsor de l'OSGeo, je doute que leur implication implique les
données. L'IGN a surtout participé aux projets de logiciels. Mais quelle
société s'est impliquée au projet "GeoData" de l'OSGeo ?

Bravos à Denis pour sa proposition de lettre pour la DGI, je sais qu'il est
inscrit sur la liste ;)

Y. qui retourne profiter de sa dernière journée de vacance. :)
-- 
Yves Jacolin
http://softlibre.gloobe.org
http://yjacolin.gloobe.org
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